Kubernetes (K8s) est aujourd’hui le standard incontournable pour l’orchestration de conteneurs applicatifs. Il permet aux organisations de déployer, gérer et faire évoluer leurs applications avec une scalabilité accrue, une automatisation avancée et une forte résilience.
Toutefois, une migration Kubernetes mal maîtrisée peut entraîner des surcoûts, des interruptions de service et elle implique des nombreux défis techniques qu’il est important d’avoir à l’esprit. La transition vers Kubernetes ne se résume pas à déplacer des workloads sur une nouvelle plateforme : elle implique une transformation profonde de l’infrastructure IT, des impacts au niveau des équipes techniques et nécessite une approche méthodique.
Cet article rappelle les intérêts de migrer vers Kubernetes puis décrit les principaux défis à anticiper et comment réussir cette transition de façon sécurisée et efficace.
Pourquoi Migrer vers Kubernetes ?
Nous avons rédigé un article détaillé sur les bénéfices business de Kubernetes et les difficultés à anticiper avant de réaliser sa migration K8s.
De façon (très) résumée, les entreprises adoptent Kubernetes pour :
- Moderniser leurs infrastructures en remplaçant des solutions monolithiques par une architecture Cloud Native ;
- Gagner en scalabilité et en résilience avec l’orchestration automatique des conteneurs et aux mécanismes de self-healing natifs qui assure une continuité de service ;
- Réduire les coûts d’infrastructure en optimisant la consommation des ressources avec l’auto scaling vertical et horizontal ;
- Limiter le vendor lock-in en améliorant la portabilité et l’interopérabilité, Kubernetes étant agnostique par rapport aux fournisseurs cloud et déployable aussi bien on-premise qu’en cloud public ou en cloud privé ;
- Simplifier le déploiement et l’exploitation des applications avec Helm, les solutions CI/CD et GitOps qui permettent une automatisation des déploiements sur Kubernetes ;
- Fluidifier les mises à jour des applications et accélérer le cycle de vie et le TTM de leurs applications, avec des stratégies de déploiement progressives (Canary Release, Blue-Green Deployment, etc.).
Les principaux Défis d’une Migration Kubernetes
Plusieurs défis doivent être adressés, notamment la choix de la stratégie de migration, le type de solution Kubernetes à sélectionner, la compatibilité des applications, la gestion du stockage persistant et des bases de données, la sécurisation du cluster Kubernetes ou encore bien préparer la gestion opérationnelle.
Choisir la bonne Stratégie de Migration
Une migration vers Kubernetes ne se résume pas à déplacer des applications d’un environnement existant vers un nouveau cluster Kubernetes. Il est essentiel d’adopter une stratégie adaptée aux besoins et contraintes de l’entreprise. Plusieurs approches sont possibles :
-
Le lift & shift consiste à déplacer les applications telles quelles dans des conteneurs sans modification majeure. Cette méthode permet une migration rapide mais n’exploite pas pleinement les capacités de Kubernetes et peut nécessiter des ajustements post-migration.
-
Le replatforming implique des adaptations mineures pour mieux tirer parti des fonctionnalités de Kubernetes, comme l’auto-scaling ou la gestion avancée des réseaux et du stockage.
-
Le refactoring est une approche plus profonde où l’application est reconçue pour adopter une architecture microservices, ce qui maximise les bénéfices de Kubernetes mais représente un effort de développement plus conséquent.
-
La migration progressive, où l’ancienne infrastructure coexiste avec la nouvelle plateforme Kubernetes pendant une période de transition. Ceci permet potentiellement de limiter les risques et d’adopter Kubernetes par étapes.
Faire le bon choix dépend de nombreux facteurs : la complexité des applications, les objectifs de l’entreprise, les contraintes de temps, les ressources disponibles, etc. Un audit technique préalable permet d’évaluer la meilleure approche à adopter.
Choisir la bonne Solution K8s et le bon Design
Kubernetes peut être déployé de nombreuses manières, chacune ayant ses propres avantages et contraintes. Le premier choix à faire concerne le type de solutions Kubernetes à utiliser.
Certaines entreprises optent pour une solution Kubernetes managé proposée par un cloud provider, qui offre une gestion simplifiée et une intégration native avec les services du fournisseur. D’autres préfèrent une distribution auto-hébergée comme Suse Rancher ou Red Hat OpenShift afin de conserver un contrôle total sur leur infrastructure. Enfin, certaines s’appuient sur des solutions Kubernetes sur mesure comme celle que nous proposons chez Enix (basée sur l’excellent Talos) et que nous pouvons déployer sur tout type d’environnement.
Une fois la solution Kubernetes choisie, il est crucial de concevoir un design d’architecture optimal. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte (cette liste n’est pas du tout exhaustive) :
-
La haute disponibilité : Faut-il déployer un cluster multi-zone ou multi-région pour assurer la continuité de service en cas de panne ?
-
Le multi-cloud et l’hybridation : Faut-il permettre aux workloads de s’exécuter sur plusieurs environnements on-premise ou cloud (public/privé) pour éviter le vendor lock-in ? Ceci peut également servir à la mise en place d’une politique de PRA ;
-
La sécurité : Quelle politique de segmentation réseau, d’authentification et de gestion des secrets adopter ? Quels mécanismes complémentaires mettre en oeuvre autour du cluster Kubernetes ?
-
La gestion des ressources : Comment structurer les Node Pools, affinities et taints pour optimiser l’exécution des workloads ? Comment configurer l’auto-scaling ?
-
Le monitoring et l’observabilité : Quels outils et quel code intégrer au niveau des applications dès la phase de build du cluster et dans la conception des applications pour surveiller leur santé et leur performance ?
Il est recommandé de s’appuyer sur des architectes Kubernetes expérimentés avec une expérience de la production pour définir une plateforme évolutive, sécurisée et optimisée dès la phase de build et de migration. Nous avons à de nombreuses reprises dû reprendre et faire évoluer des plateformes Kubernetes qui avaient été mal conçues initialement, certaines migrations ayant d’ailleurs parfois totalement échoué.
Conteneurisation : assurer la Compatibilité des Apps avec K8s
Les applications ne sont généralement pas prêtes à fonctionner immédiatement sous Kubernetes. Une migration K8s réussie nécessite d’évaluer leur compatibilité, d’adapter les workloads en conséquence, de conteneuriser les applications et enfin de les packager (Helm ou Kustomize) pour pouvoir les déployer facilement sur Kubernetes.
Les applications monolithiques, par exemple, peuvent être difficiles à conteneuriser en raison de leurs dépendances complexes. Dans certains cas, elles devront être refactorisées en microservices pour pouvoir bénéficier pleinement de Kubernetes. De plus, certaines applications utilisent des composants qui ne sont pas conçus pour fonctionner dans un environnement distribué, ce qui peut entraîner des problèmes de latence ou de stabilité.
Un autre point important est la mise en place de l'observabilité au niveau des applications, concept central de l’approche Cloud Native autour de Kubernetes.
Gérer le Stockage Persistant et les Bases de Données
L’un des défis majeurs d’une migration K8s réside dans la gestion du stockage et des bases de données.
L’architecture de Kubernetes repose sur des workloads éphémères où les conteneurs peuvent être créés, supprimés ou déplacés automatiquement en fonction des besoins. Cette nature stateless et distribuée de Kubernetes n’est pas toujours compatible avec les données persistantes, qui nécessitent une stabilité et une intégrité garanties.
Il faut donc dans un premier temps analyser la pertinence ou non d’héberger ces composants de stockage et de bases de données dans le cluster Kubernetes ou préférable de les laisser en dehors. Depuis quelques années maintenant, il est devenu plus simple d’embarquer ces fonctions dans Kubernetes, avec des mécanismes internes à Kubernetes et des technologies tierces suffisamment matures pour faire de la production à grande échelle avec des BDDs dans les clusters.
Pour gérer cette contrainte, Kubernetes propose par exemple des solutions comme les Persistent Volumes (PV) et Persistent Volume Claims (PVC), qui permettent de découpler le stockage des applications. Mais la gestion de bases de données et des workloads stateful dans Kubernetes reste un défi, nécessitant des solutions spécifiques comme les StatefulSets, le stockage distribué (Rook, Longhorn) ou des bases de données Cloud Native adaptées.
Des outils spécialisés comme Velero permettent également de faciliter la migration en assurant une sauvegarde et une restauration des données en toute sécurité. De même, des solutions comme Rook ou Longhorn permettent d’intégrer un stockage natif Kubernetes performant.
Sécuriser la Migration et l’Exploitation de Kubernetes
Migrer vers Kubernetes ne doit pas se faire au détriment de la sécurité. Comme sur toute technologie, un cluster Kubernetes mal configuré peut être une porte d’entrée pour des attaques, mettant en danger les données et services de l’entreprise.
La première étape pour sécuriser une migration consiste à restreindre les accès avec un contrôle strict des permissions via Role-Based Access Control (RBAC). Il est également essentiel de protéger les communications entre les services en activant le chiffrement et en mettant en place des Network Policies qui définissent quelles applications peuvent communiquer entre elles.
Une autre préoccupation concerne la sécurité des conteneurs eux-mêmes. Il est crucial de scanner les images Docker avant leur déploiement pour identifier d’éventuelles vulnérabilités. Des outils comme Trivy, ou Aqua Security peuvent être utiles pour automatiser ces contrôles et réduire les risques liés aux failles de sécurité.
Enfin, pour détecter rapidement toute anomalie, l’intégration d’un monitoring et d’un système d’alerte est indispensable. Des solutions comme Falco ou Open Policy Agent (OPA) aident à surveiller l’activité des conteneurs et à identifier toute activité suspecte.
Optimiser la Performance et la Supervision après Migration
Une migration vers K8s ne s’arrêtera pas une fois que les workloads seront déplacés sur le nouveau cluster Kubernetes. Il est essentiel d’optimiser dès la conception puis continuellement l’infrastructure pour tirer le meilleur parti de Kubernetes en matière de performance et de scalabilité.
Un des premiers leviers d’optimisation repose sur la gestion des ressources. Kubernetes offre plusieurs mécanismes d’auto-scaling, notamment le Horizontal Pod Autoscaler (HPA), qui ajuste dynamiquement le nombre de pods en fonction de la charge, et le Vertical Pod Autoscaler (VPA), qui modifie les ressources allouées à chaque pod. Une bonne configuration ermet d’éviter la surconsommation de ressources et de réduire les coûts d’exploitation.
Le scheduling des workloads joue également un rôle clé dans la performance globale du cluster. Kubernetes permet d’affiner l’emplacement des pods avec des stratégies comme Node Affinity, Taints et Tolerations, qui permettent de distribuer intelligemment les workloads en fonction des capacités des nœuds et des besoins applicatifs.
Enfin, une supervision continue est essentielle pour s’assurer que le cluster fonctionne de manière optimale. Des outils comme Prometheus, Grafana ou Loki permettent de collecter des métriques, d’analyser la consommation des ressources et d’identifier les éventuels goulots d’étranglement. D’autres solutions comme la suite Elastic et Datadog sont également couramment utilisées. Une bonne observabilité permet d’anticiper les problèmes avant qu’ils n’affectent la production et d’optimiser en permanence l’infrastructure Kubernetes.
Comment un Prestataire peut-il faciliter la Migration à Kubernetes?
Pour aborder ces nombreux défis techniques et organisationnels sereinement, il peut être pertinent de faire appel à un prestataire Kubernetes spécialisé sur les outils et technologies Cloud Native. Il peut apporter une méthodologie éprouvée, une expérience des migrations ainsi qu’une capacité à gérer des infrastructures Kubernetes complexes en production.
Ce partenaire expert Kubernetes assure une migration fluide et peut permettre une transition plus rapide tout en optimisant l’exploitation de Kubernetes sur le long terme. Voici des exemples de missions qu’un prestataire est généralement amené à réaliser dans le cadre d’un accompagnement complet sur Kubernetes :
-
Audit de l’environnement existant pour définir les besoins sur le nouveau cluster et sur la stratégie de migration K8s la plus adaptée : lift & shift, refactoring, replatforming ou migration progressive en faisant coexister les environnements ;
-
Conception, architecture et build de la nouvelle plateforme Kubernetes et plus globalement Cloud Native : en fonction des composants d’infrastructure existants (intégrés ou connexes au cluster Kubernetes), des besoins relatifs aux applications hébergées sur la plateforme, des exigences de haute disponibilité et de PRA, du type d’environnement de déploiement retenu (on-premise, cloud privé, cloud public ou hybride)…
-
Adaptation des workloads, support à la conteneurisation des applications afin qu’elles soient orchestrables par Kubernetes, qu’il y ait utilisation ou non d’une nouvelle architecture applicative à base de microservices et de services meshes ;
-
Automatisation du déploiement infrastructure et applicatif avec des technologies de packaging comme Helm, de GitOps comme ArgoCD ou FluxCD, ou encore de déploiement cloud et infrastructure avec Terraform, Ansible ou Crossplane…
-
Gestion des tests de charge et des validations pré-production pour garantir une mise en production sans rupture de service ;
-
Former et accompagner vos équipes tech aux outils et technologies Cloud Native (dont Kubernetes bien entendu) pour assurer une montée en compétences et une adoption fluide aussi bien par les équipes de Dev que DevOps et Ops ;
-
Gestion opérationnelle et Run 24/7 et suivi post-migration : monitoring et supervision continue des performances, sécurisation et optimisation continue, support en déploiement de nouvelles applications ou évolution de charge applicative, gestion proactive des incidents et des astreintes, etc.
Conclusions
Engager une migration vers Kubernetes est une décision stratégique et une étape clé dans la modernisation de son infrastructure IT. Plus encore qu’une “simple” transformation technique, cette migration peut impacter positivement l’activité en accélérant le cycle de développement de vos applications et service tout en augmentant sa qualité et sa disponibilité.
Cette transition doit cependant être gérée avec expertise pour éviter les pièges courants et relever les défis évoqués dans cet article. Que ce soit avec nous chez Enix (nous gérons du K8s en production sous à peu près toutes ses formes depuis l’origine :) ou avec un autre partenaire spécialisé, nous vous conseillons en tous les cas vivement de vous faire accompagner. Nous vous souhaitons une bonne migration !
Ne ratez pas nos prochains articles DevOps et Cloud Native! Suivez Enix sur Linkedin!